Aixprits Criminels

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24/10/2022

Le meurtre hors-série

I – La notion de Meurtre Hors-Série

Dans le cadre des homicides, il convient de rappeler qu’il existe différents types d’auteurs. Ceux qui retiendront notre attention dans le présent article sont les tueurs en série, aussi appelés « serial killer ». Un tueur en série se définit comme étant un auteur d’homicide ayant perpétré au moins trois meurtres, dans un intervalle de temps assez étalé. Cette appellation a été imaginée par les profileurs du FBI dans les années 70. Ils considéraient ainsi que chaque meurtre était comme un épisode, et que l’ensemble de ces meurtres caractérisait une série. Ce qui avait été mis en avant par les différents chercheurs en criminologie, c’est que ces séries répondaient souvent à une logique : mode opératoire presque identique pour le même auteur, un profil victimologique commun. Il arrive pourtant que, dans une série criminelle, un évènement, un fait diffère des autres. Un profil victimologique différent, phase post-opératoire différente. Nous avons pu aborder un phénomène analogue en traitant de la notion d’anthologie homicide, en mettant en lumière l’existence de plusieurs saisons criminelles avec des logiques différentes. Ce qui va nous intéresser ici, ce sont des actes isolés, uniques, qui se placent dans une saison. C’est ce que nous allons qualifier ici de « meurtre hors-série ». Avant de développer plus précisément ce terme, il convient de revenir sur la définition même de ce qu’est un hors-série. Un hors-série est un fait (article, épisode), qui ne rentre pas dans la continuité de la série classique, qui est à part (L'internaute), il ne ressemble pas aux autres épisodes de la série, il est à part. Ainsi, le meurtre hors-série peut se définir comme un acte isolé dans une série, répondant à une logique différente de celle de la saison principale. Il peut par exemple s’agir de faire passer un message, assassiner un témoin gênant, masquer ses traces. De ces meurtres hors-séries, les enquêteurs peuvent appréhender certains éléments de compréhensions du fonctionnement de l’auteur traqué. Il peut s’agir d’éléments de personnalités, ou de faits, par exemple un tueur qui élimine un témoin, on aurait une indication qu’il panique, qu’il est plus susceptible de commettre une erreur. Pour un tueur qui commet un meurtre hors-série afin de récupérer un élément pour authentifier son crime, cela indiquerait qu’il peut être narcissique, arrogant, et donc nous permettre de le classer dans un profil d’auteur. A la manière des différences entre les saisons, les particularités du meurtre hors-série représentent une source d’information pour mieux appréhender l’auteur de la série de crime.  

II – Illustration pratique

Afin d’illustrer cette notion de meurtre en série, nous nous focaliserons sur l’exemple du tueur du Zodiac, ayant sévit dans la baie de San Francisco à la fin des années 60. Nous avions déjà abordé cet auteur de crime dans le cadre de la notion d’anthologie homicide. Ainsi, Nous avions distingué l’existence d’une première saison, d’un premier groupe, avec un profil victimologique commun : des « couples » de jeunes adultes. Cette première saison correspondait au premier groupe temporel d’attaques attribuées au Zodiac. Quatre attaques sont ainsi à dénombrer, mais l’une d’elle va nous intéresser plus particulièrement, le meurtre de Paul Stine, un chauffeur de taxi de San Francisco. En l’espèce, il s’agit ici d’une attaque contre une seule personne, non pas contre un « couple ». Par ailleurs, le tueur du Zodiac en a profité pour découper un morceau de la chemise appartenant à sa victime. On pourrait penser qu’il s’agit ici d’un simple trophée, pour autant, après cette attaque, le Zodiac enverra, avec chacune de ses lettres, un morceau de ladite chemise. Nous sommes ici dans le cadre d’un homicide qui sort de la logique de la saison, pas le même profil victimologique, et une différence dans la phase post-opératoire. Ici le mobile de ce meurtre va être différent de celui des trois autres attaques de la saison. Il pourrait en effet s’agir d’un meurtre en opportunité, afin de pouvoir faire passer un message par la suite. En effet, il y avait à l’origine une incertitude sur l’attribution des meurtres des « couples « au Zodiac, certains pensaient en effet qu’il s’agissait d’un auteur différent. Dès lors, le fait, pour le tueur du Zodiac, d’envoyer les morceaux de chemise permettait de savoir avec certitude qu’il était l’auteur de chaque lettre. Par ailleurs, les lettres contenaient des détails sur chaque attaque, permettant d’authentifier l’auteur des lettres comme étant l’auteur des attaques. Ainsi, ce meurtre hors-série était une opportunité pour le tueur du Zodiac afin de revendiquer son « œuvre », que la population sache qu’il était seul responsable de leur peur (quoi que cette affirmation puisse être nuancée du fait du nombre assez important de tueurs actifs dans la baie de San Francisco à cette époque). Ainsi, le meurtre de Paul Stine sort du schéma habituel du tueur, et répond à un mobile apparemment différent.